Essai de la monture EQ6 : rapport technique

Alain Schmitz

Le présent rapport reprend les conditions d'essais et les résultats effectués sur la monture EQ6 (fabriquée par la firme SYNTA), équipée d'une lunette HELIOS 150/1200 que la firme Lichtenknecker Optics a mise en prêt au Groupe Astronomique de Spa. L'évaluation de cette monture s'est effectuée le vendredi 9 mars 2002 près de l'aérodrome de Spa dans des conditions légèrement nuageuses et sous haute turbulence.

Cette note suit une logique chronologique de mise en oeuvre allant du montage jusqu'à la mesure des erreurs d'entraînement.

 

Montage de l'ensemble " pied -monture - télescope "

La monture et son pied sont expédiés dans deux boîtes en carton relativement bien conditionnées pour résister aux chocs inhérents aux transports. Après déballage des différents éléments, une seule clé de serrage accompagne la monture. Au vu du nombre de vis de réglage, on était en droit de s'attendre à un petit kit de mécanique reprenant l'ensemble des clés pour l'installation et le réglage de cet instrument. Dans la foulée, on s'aperçoit qu'aucune documentation n'a été délivrée pour guider l'utilisateur dans le montage et surtout la maintenance du matériel. Un manuel d'instruction de montage décrivant succinctement les premières étapes du montage peut néanmoins se trouver sur In-ternet à l'adresse suivante : http://www.skywatchertelescope.com/Downloads/EQ6.pdf

Le montage en soi est cependant d'une extrême simplicité et ne pose aucun problème pour un astronome amateur un tant soit peu averti.

Une fois montée, cette monture revêt une esthétique attrayante et semble d'une bonne stabilité apparente. La comparaison détaillée avec les éléments constitutifs de la TAKAHASHI EM200 met en évidence une similitude importante avec cette dernière, pour ne pas dire une copie quasi conforme. De sérieuses différences vont pourtant apparaître en cours d'essai …

 

Mise en station

Le viseur polaire intégré dans la monture est identique à celui proposé pour les montures de la marque VIXEN. C'est d'ailleurs à partir du mode d'emploi fourni par ce fabricant que les réglages nécessaires pour le bon fonctionnement de ce viseur ont pu être réalisés.

Pour commencer, la mise au point du viseur sur l'infini par rotation de l'objectif ne pose aucun problème. Par contre, la mise au point du réticule par rotation de l'oculaire engendre un jeu important de celui-ci par rapport au corps de la monture, ce qui pourrait nuire à la précision de la mise en station.

Ensuite, le centrage du viseur vis-à-vis de l'axe de rotation de l'ascension de droite qui s'effectue en tournant successivement l'axe de 180° et en tentant de maintenir le centre de l'image fixe à l'aide des trois vis Allen qui entourent l'oculaire du viseur.
Un gros problème survient alors quant à la calibration de l'axe polaire-pôle nord dans le réticule. En effet, si le cercle gradué reprenant les corrections de date et de longitude (de qualité déplorable) est bien présent, il ne fait référence à aucune graduation solidaire du corps de la monture étant donné que le cercle d'ascension droite se trouve localisé de l'autre côté de l'axe horaire ! Or ce dernier est censé permettre le rattrapage horaire et il s'agit là d'une erreur du fabricant d'autant plus incompréhensible qu'il a équipé correctement des montures de gamme inférieure d'un viseur polaire similaire.

Il a été cependant possible d'utiliser ce viseur en marquant la position de la partie mobile de la monture par rapport à la partie rigide (et avec le 0h du cercle horaire) après que l'axe polaire-pôle nord ait été aligné verticalement avec un élément extérieur (clocher, pylône…). D'autre part, il est possible d'obtenir le passage au méridien journalier de l'étoile polaire en utilisant un logiciel de cartographie céleste comme par exemple le " SkyMap Pro ". Au moment de l'alignement, il suffit alors de décaler l'axe horaire à partir de la marque mentionnée ci-dessus de la différence de temps entre ce passage et l'heure d'observation.

 

Mesure des erreurs d'entraînement, de dérive et de mise en station

Les mesures de ces erreurs ont été réalisées à l'aide d'une webcam Philips " Vesta Pro " pilotée par le logiciel IRIS développé par Christian Buil. Ce programme permet l'enregistrement en continu de la position en déclinaison et en ascension de droite d'une étoile en cours de suivi.

Après la phase de mise en station décrite ci-dessus, la webcam a été installée au foyer de la lunette 150/1200. A ce niveau, un décalage important de l'étoile de référence est observé au moment où les freins sont appliqués sur les axes pour embrayer les moteurs. Cette nuisance est probablement due au mauvais usinage des embouts des vis de blocage et pourrait être amoindrie par l'ajout d'un patin en teflon.

La dimension des pixels de cette webcam étant d'environ de 5 µm, la conversion des positions enregistrées en seconde d'arc est donnée par :

1 pixel = 5 µm / taille en µm de 1 arc-sec au foyer de l'instrument
= 5 µm / (1.200.000 µm x (1 Rad / 57° / 3600))
= 0.86 arcsec

Les résultats de la mesure sont confrontés à ceux donnés par une monture TAKAHASHI EM200 sur la figure ci-dessous. On voit les fortes variations pour la EQ6 comparé à l'EM-200.

 

Trois remarques s'imposent :

L'erreur périodique de cette monture s'élève à plus de 100 secondes d'arc de pic à pic, ce qui est énorme et exclut toute utilisation de ce matériel pour l'imagerie CCD et l'astrophoto à haute résolution. A titre de comparaison, l'erreur maximum enregistrée pour la EM200 ne dépasse pas 6 secondes !
Après adaptation mathématique d'une courbe sinusoïdale, on voit que la période de l'erreur est d'environ 480 secondes (8 minutes) dans les deux cas. Comme la roue dentée comporte 180 dents, l'erreur est indéniablement liée à la vis sans fin mais son amplitude est difficilement imputable à un défaut d'usinage (la même analyse appliquée à des montures beaucoup plus rudimentaires révèle des erreurs de l'ordre de 30 secondes).

Pour ma part, je penche
plutôt pour une excentricité de la vis sans fin par rapport aux roulements à bille qui la supportent et qui devrait probablement pouvoir se corriger par réglage. Toujours est-il que ce magnifique instrument est inutilisable tel quel et que si cette erreur est corrigible, le fabricant se doit de fournir les instructions pour y remédier.

L'étude du modèle mathématique fournit également la dérive qui s'élève 34 secondes d'arc par heure, ce qui est excellent.

Enfin, l'erreur de mise en station se traduit par une vitesse de dérive en déclinaison d'environ 200 secondes d'arc par heure, valeur qui reste acceptable pour de l'astrophoto CCD avec des temps de pose inférieurs à 2 minutes.

 

Conclusion

Cette nouvelle monture EQ6 possède une bonne base mécanique qui lui confère un potentiel évident et ce à un prix très intéressant. Mais si elle présente des signes prometteurs en termes de stabilité, il faudra néanmoins parfaire sérieusement la qualité de son entraînement horaire, et plus particulièrement son erreur périodique. L'ampleur de ce défaut de suivi limite considérablement son utilisation dans certains domaines de l'astrophotographie au sein desquels ses qualités de base seraient pourtant bienvenues.
Il est en effet dommage que la firme Synta ait tout mis en oeuvre au niveau mécanique (l'analyse détaillée le démontre) afin de reproduire des résultats similaires à ceux donnés par l'EM200 et échoue si près du but pour probablement des détails d'assemblage et de réglage.