First Light

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Il y a presque 400 ans, Galilée démarra une nouvelle révolution en astronomie lorsqu'il tourna vers le ciel sa petite lunette 'fait maison' et découvrit les satellites de Jupiter ainsi que les innombrables étoiles de la Voie Lactée. Dans les semaines qui viennent, les astronomes européens espèrent donner à la révolution qu'a débutée Galilée un nouvel élan avec l'ouverture d'un tout nouvel observatoire attendu fébrilement par les astronomes européens depuis plusieurs années.

En 2001, lorsqu'il sera complètement opérationnel , le Very Large Telescope (VLT) ne sera rien moins que le plus puissant télescope du monde. Construit par l'ESO (Observatoire Européen Austral), le VLT sera 70.000 fois plus puissant que la lunette de Galilée et verra des détails 2000 fois plus petits ...
Afin d'avoir les meilleures conditions d'observation pour ce télescope de 800 millions de $, l'ESO l'a installé bien loin du pays d'origine de Galilée : sur une montagne de 2632 m d'altitude, le Cerro Paranal, dans l'aride désert de l'Atacama dans le nord du Chili.

" Remonter le temps "

Nous avons mis au point une machine qui va nous permettre de regarder loin dans le passé et étudier les premiers instants de l'Univers " confie Riccardo Giacconi, le Directeur Général de l'ESO. " Avec les nouvelles caméras ultrasensibles dans le visible et l'infra-rouge ainsi que tous instruments très perfectionnés qui sont prévus, les chercheurs européens devraient dominer de nombreux domaines de l'astronomie dans les prochaines années " affirme John Bahcall de l'Institut for Advanced Study de Princeton.

Le Cerro Paranal

L'ESO débarqua au Chili dans les années 60 à la recherche de cieux moins pollués et nettement plus secs et purs que ceux du Vieux Continent. Ainsi naquit l'Observatoire de La Silla, 600 km au nord de la capitale Santiago et aujourd'hui équipé de 14 télescopes (dont le plus puissant fait 3,6 mètres de diamètre) et d'un télescope submillimétrique de 15 mètres. Mais le VLT est de loin le projet le plus ambitieux développé par l'ESO. Depuis une dizaine d'années, toutes les forces financières et techniques de l'organisation intergouvernementale sont d'ailleurs tournées vers ce projet grandiose : il consiste en quatre télescopes de 8,2 mètres de diamètre chacun, connectés entre eux pour créer l'effet d'un télescope géant de 16,4 mètres de diamètre !

Lorsque l'ESO propecta dans les années 80 pour trouver un site d'implantation, les météorologues spécialisés de l'ESO découvrirent que Paranal, à 140 km au Sud d'Antofagasta dans le nord du Chili était l'endroit idéal. La montagne a 350 nuits claires par an (!), et la pluie y est extrêmement rare -- en 1997 par exemple, il y a eu seulement un demi millimètre de précipitations. De plus, l'exceptionnelle sécheresse rend l'atmosphère très transparente aux infra-rouges qui sont normalement absorbés par la vapeur d'eau.

Menaces sur le VLT

En 1988, le gouvernement chilien fit don de la montagne ainsi que de 725 km carrés aux alentours de l'Observatoire marquant le départ de ce projet mamouth. Cependant, alors que la construction du VLT avait déjà commencé début 1990, l'ESO rencontra un obstacle de taille: des descendants d'un héros local réclamèrent leur terrain et sommèrent l'ESO d'arrêter la construction de l'Observatoire. Pres-que une année de tractations fut nécessaire durant laquelle la construction resta au point mort. Ce n'est qu'après les pressions des 8 pays membres de l'ESO qu'un nouveau traité fut signé, confirmant les droits de l'ESO sur Paranal, mais donnant également de nouveaux avantages aux Chiliens travail-lant à La Silla et à Paranal ainsi que du temps de télescope supplémentaire aux astronomes locaux (10% du temps total!). Le Chili s'occupant de dédommager éventuellement la famille revendicatrice...

Quadruple vision

Avec les technologies actuelles, il n'était pas possible de réaliser un miroir unique de 16 m de diamètre. D'où l'idée de base du VLT, de coupler la puissance de 4 télescopes de 8,2 mètres de diamètre. Ainsi, quand les astronomes voudront observer des objets très faiblement lumineux aux confins de l'Univers observable, les quatre télescopes travailleront à l'unisson alors que pour les program-mes nécessitant moins de sensibilité, les quatres télescopes pour-ront être utilisés séparément, tournés vers des régions différentes du ciel.

Le VLTI: défit technologique

La séparation des quatre Unités a également un autre avantage très important qui sera exploité par le VLT : il est prévu que l'instrument fonctionne en mode interférométrique. Utilisé de cette façon, le VLT (alors appelé VLTI) permettra d'obtenir des images aussi précises que si le télescope avait 130 m de diamètre (la distance séparant les miroirs les plus éloignés) ! Le mode interférométrique est couramment utilisé en radio-astronomie depuis plusieurs années mais seules quelques petites expériences sont actuellement en cours en ce qui concerne le domaine optique. Pour comprendre le principe, considérons l'analogie suivante. Prenez un télescope de 130 mètre de diamètre et peignez le tout en noir sauf quatre taches de 8,2 m de diamètre réparties le long de son périmètre. Ce télescope hypothétique sera évidemment moins sensible que s'il avait 130 m de diamètre (puisqu'une grande partie de la lumière n'est plus réfléchie) mais il conservera son pouvoir de résolution, sa capacité à voir les petits détails. La raison: les quatre taches claires (symbolisant les quatres miroirs du VLT) continueront à réfléchir la lumière vers un foyer unique, produisant une image cohérente d'un objet distant. La difficulté avec le VLT est que, comme les quatre miroirs sont indépendants, la lumière réfléchie par les quatre Unités parcourt des distances différentes et n'arrive pas en même temps (on dit déphasée) au foyer. Afin de compenser ces décalages, la lumière en provenance des quatre télescopes est combinée via un ensemble compliqué de miroirs (appelés " lignes de retard optique ") installés dans des tunnels sous les télescopes. Le concept peut sembler simple mais il pose en pratique un véritable défi : l'ensemble du système doit être réglé avec une précision meilleure que la longueur d'onde de la lumière observée c'est-à-dire pour le visible environ 500 millionième de millimètre (la longueur d'onde du rouge est de 500 nanomètres) ! On comprend alors pourquoi l'interférométrie pose moins de problème dans le domaine radio où les longueurs d'onde vont en gros du centimètre au kilomètre. Notons que pour augmenter les performances de l'interféromètre, trois télescopes auxilliaires de 1.8 m seront installés à proximité des géants. Ces télescopes pourront être déplacés sur certaines positions prédéfinies afin de faire varier la base de l'interféromètre !
L'ESO espère réaliser les premières observations interférométriques à l'horizon 2000 mais le système ne sera vraisemblablement pas opérationnel avant 2005. Les possibilités du VLTI devraient fournir aux astronomes le moyen d'étudier avec un luxe de détails le coeur des galaxies lointaines mais aussi d'avancer dans la recherche de planètes autour d'autres étoiles.

" Les concurrents "

Le principal rival du VLT dans tous les domaines sont les deux télescopes Keck de 10 mètres de diamètre sur le Mauna kea (Hawaï), qui seront également reliés en interféromètre en 2000. Cependant, le Keck peut seulement être utilisé par une petite communauté de scientifiques (Univ. of California et le California Institute of Technology) et se trouve dans un site de qualité moindre que le VLT.
Un autre avantage du VLT sur les jumeaux KeckI et II, à part sa surface collectrice 33% plus importante, est la flexibilité des instruments scientifiques chargés d'analyser la lumière collectée. Chaque télescope a trois foyers fixes, si bien qu'au total, nous pouvons avoir 12 instruments prêts à l'utilisation " affirme Peter Gray, responsable de l'instrumentation du VLT. C'est également l'avantage par rapport au Telescope Spatial Hubble (HST) qui nécessite l'envoi d'une navette spatiale pour chaque changement d'instrument ou réparation.

Optique active et adaptative

Le design des quatre miroirs du VLT est également unique. En effet, malgré leurs 8,2 m de diamètre, réalisés par Schott Glasswerke à Mainz (Allemagne), ils ont seulement 17,5 cm d'épaisseur (ce qui ne représente que deux pour cent du diamètre). L'alignement optique est de ce fait nettement plus complexe que pour un instrument classique car le miroir se déforme facilement sous son propre poids !
Chacun de ces fins miroirs est supporté par 150 actuateurs contrôlés par ordinateur qui exercent à tout moment les efforts adéquats pour rétablir la forme idéale de la surface optique, quelle que soit la direction de visée !
En plus de cette " optique active ", le VLT utilisera également " l'optique adaptative " pour compenser des effets de la turbulence atmosphérique.

Pour l'instant, l'Observatoire du Paranal est un vaste chantier où 300 personnes travaillent jour et nuit afin de proposer les télescopes dans les temps. L'Unité 2 est à moitié finie, UT3 est un bâtiment vide et le bâtiment de l'UT4 est également pratiquement achevé.
Mais dans la première année du nouveau millénaire, le VLT sera complet, prêt à amener les astronomes pour un tour de l'Univers digne du XXI ème siècle.

Référence ; Science Vol.280 du 1/05/98
Tout sur le VLT : http://www.eso.org/outreach/press-rel/pr-1998/



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