La monture GP-DX :
rapport technique

Alain Schmitz

Le présent rapport reprend les résultats de l'étude sur la stabilité ainsi que la précision de suivi d'une monture équatoriale de la série Great Polaris (GP), fabriquée par la société japonaise Vixen, et qui a aimablement été mise à la disposition du Groupe Astronomique de Spa (GAS) par la société Lichtenknecker Optics. La version que nous avons testée, la GP-DX, est la version " de luxe " qui est un renforcement mécanique de sa petite soeur GP, lui conférant ainsi une capacité de charge confortable de 10 kg. On notera que cette monture a beaucoup de succès chez les amateurs et qu'au moins quatre observateurs du GAS disposent de cet équipement.
Pour la réalisation de cet essai, un télescope Celestron C5 de type Schmidt-Cassegrain de 125 mm de diamètre et de 1250 mm de focale lui a été associée ainsi qu'un trépied en bois de la marque Berlebach. Il ne s'agit donc pas exactement de la configuration originale qui utilise un pied en aluminium.
Les observations se sont tenues le 11 avril à Harzé dans des conditions atmosphériques légèrement brumeuses mais en absence de vent.

Montage et mise en station
Télescope C5 sur la monture GP-DX
Le télescope C5 monté sur la GP-DX
de Vixen avec trépied en bois
de la marque Berlebach.
La caméra CCD Audine est montée
au foyer du télescope.

A l'aide de la documentation technique livrée avec l'ensemble, le montage de la monture et de ses moteurs d'entraînement MT1 se révèle très facile : la description est claire et détaillée et assure le succès de l'opération, même pour le novice !

L'alignement d'origine (réalisé en usine) du viseur polaire avec l'axe de rotation de l'ascension droite, s'avère impeccable. Un niveau à bulle intégré à la monture facilite la mise en station qui, avec un peu d'habitude, ne requiert que peu de temps (moins de 5 minutes). Les mouvements des deux axes sont de type " visqueux ", ce qui permet le pointage précis des objets sans avoir à recourir continuellement aux embrayages sur les axes, pour autant que l'équilibrage du poids sur l'axe de déclinaison ait été soigneusement effectué. Le blocage des axes à l'aide de ces embrayages est très doux et ne s'accompagne que d'un léger glissement de l'objet visé.

La stabilité de cette association trépied-monture-télescope est excellente, bien que le télescope choisi pour cet essai ne permette pas de mettre facilement en évidence d'éventuels problèmes, en raison de son faible poids et de sa petite taille (30 cm).


Dérive et erreur périodique

Cette étude a été réalisée à l'aide d'une Webcam Vesta Pro (Philips) adaptée au foyer du C5 et pilotée par le logiciel IRIS développé par Christian Buil (qui fut, fin des années 70, un des premiers astronomes amateurs à utiliser la technique CCD et est un des pères de la caméra CCD " audine " ).
Sur base de la taille des pixels de la CCD de la Webcam (environ 5µm x 5µm), les dérives enregistrées en ascen-sion droite et en déclinaison sont converties en secondes d'arc (en abrégé arcsec) en sachant que :

1 pixel (élément de résolution du CCD)
= 5µm / (1.250 mm/rad)
= 5µm / (1.250.000 µm/ 57.3°)
= 0,000004 x 57,3 x 3600 arcsec
= 0,82 arcsec

Les enregistrements du programme IRIS fournissent les écarts (en pixels) qu'effectue l'étoile observée (étoile de référence) par rapport à sa position initiale en fonction du temps de suivi. Un suivi parfait se traduit donc par des écarts nuls sur ces diagrammes.
Les écarts en ascension droite et en déclinaison sont imputables à des erreurs de mise en station (mauvais alignement de l'axe d'ascension droite vis-à-vis de l'axe de rotation de la Terre) et à des défauts du système d'entraînement.

Parmi ces derniers, se retrouvent la dérive continue générée par une vitesse de motorisation trop lente ou trop rapide ainsi que les erreurs périodiques liées à des imperfections dans l'usinage mécanique des éléments du système d'entraînement (irrégularités des pas du moteur pas-à-pas, excentricités des pignons de la boîte de réduction, de la vis sans fin, etc.).
Ces erreurs périodiques sont, comme leur nom l'indique, parfaitement reproductibles d'une période à l'autre de rotation de l'élément responsable. La difficulté de l'analyse réside dans la superposition d'erreurs périodiques de périodes différentes.

Il est néanmoins possible de simplifier l'analyse de ces résultats en considérant que l'alignement polaire est presque parfait et que l'erreur de mise en station ne produit qu'une dérive continue en déclinaison. De plus, l'erreur périodique majeure des systèmes d'entraînement concerne généralement les éléments directement solidarisés à l'axe horaire. Pour les asservissements de type " roue dentée - vis sans fin ", une infime excentricité de la vis sans fin ainsi que toutes les microscopiques imperfections d'usinage affectent directement la qualité du suivi. C'est la raison pour laquelle l'analyse ne porte généralement que sur une ou plusieurs périodes de rotation de celle-ci.

L'étude des diagrammes en ascension droite montrent en effet des signaux périodiques dont la plus longue période est souvent celle de rotation de la vis sans fin.
Dans le cas de la monture qui nous préoccupe, la roue dentée de l'ascension droite comporte 144 dents et la période de rotation de la vis sans fin qui l'asservit est donc de 24 X 60 min / 144, soit 10 minutes.

Analyse des dérives et de la mise en station

La dérive que nous avons mesurée en ascension droite est donnée dans la figure ci-dessous sur laquelle sont également superposées les mesures réalisées pour deux autres montures (voir article paru dans le bulletin n°55), à sa-voir l'EM 200 de Takahashi et l'EQ6 de Synta.

Erreur périodique et dérive
Comparaison des dérives en ascension droite de trois montures : la EQ6 (en rouge) de chez Synta
avec une erreur périodique de plus de100 arcsec, la coûteuse EM-200 (en bleu) de chez Takahashi
qui avec une erreur de 12 arcsec est une référence et l'étonnante GP-DX(en vert) de Vixen
avec une erreur périodique qui ne dépasse pas 15 arcsec.

La qualité de suivi de la monture VIXEN saute aux yeux : alors que l'EQ6 s'illustre par une erreur périodique déplorable de plus de 100 arcsec d'amplitude, cette erreur n'excède pas 15 arcsec en amplitude dans le cas de la GP-DX. Cette performance est comparable à celle obtenue pour l'EM 200 (12 arcsec) qui est considérée comme une référence de grande qualité par la communauté des astronomes amateurs (mais coûteuse) !
Aucune dérive moyenne n'est par ailleurs observée après 20 minutes de suivi, ce qui traduit l'excellence du pilotage du moteur pas-à-pas par la raquette DD1.

La figure ci-dessous illustre la dérive en déclinaison qui reste inférieure à 5 secondes d'arc après 20 minutes de pose. La mise en station à l'aide de la lunette polaire est donc suffisante pour des poses de plus de 20 minutes sans correction sur cet axe, ce qui ouvre de bonnes perpectives en astrophotographie.

Erreur de mise en station
La dérive en déclinaison, induite par une erreur de mise en station,
reste inférieure à 5 secondes d'arc après 20 minutes de pose.



Utilisation en imagerie CCD

Deux essais en imagerie CCD ont été réalisés dans le courant de la même nuit avec une caméra Audine équipée d'un CCD KAF401-E et installée au foyer du C5 muni d'un réducteur de focale f/6,3 (distance focale 800mm).
La taille des pixels du CCD s'élevant à 9µm, une dérive de 18µm (2 pixels) reste acceptable pour de l'imagerie CCD en binning 1x1. Après conversion correspondant à une focale de 800mm, ceci se traduit par une erreur de suivi d'environ 4,6 arcsec.

D'autre part, la période de rotation de la vis tangente de l'entraînement horaire est de 10 minutes. De plus, 1/4 de rotation s'accompagne d'une dérive maximale de 7,5 arcsec (15/2). Dans ces conditions, le temps de pose sans guidage ne devrait pas excéder (4,6/7,5) x (10/4) minutes, soit 1 minute et 30 secondes.

Par mesure de précaution, des séries de 10 poses de 1 minutes ont été prises pour photographier les galaxies M51 et M66. Dans chacun des cas, seul un cliché de la série a été éliminé pour défaut de suivi perceptible.


M51
M66
M51 et M66. Addition de 9 poses de 1 minute en binning 1X1
au foyer f/6.3 d'un C5 avec la caméra Audine.
Soustraction du dark et traitement égalisation modifiée avec IRIS.



Ces images démontrent clairement les capacités de la GP-DX dans le cadre de l'imagerie CCD.
Ces résultats, obtenus à l'aide d'un petit télescopes, sont aussi encourageants compte tenu de la mauvaise qualité du ciel de cette nuit, aussi bien au niveau de l'éclairage public parasite que de la transparence réduite par la brume.

Conclusions

L'analyse détaillée du comportement de la monture GP-DX de VIXEN semble démontrer son aptitude à effectuer des suivis de qualité suffisante pour faire de l'imagerie CCD avec des optiques possédant une distance focale à concurrence de 800mm et des temps de pose de l'ordre de la minute. De ce fait, elle se situe parmi les meilleures montures du marché capables de s'affranchir de ce genre de tâche avec un rapport qualité/prix très attractif, conformément à d'autres rapports disponibles sur le net (http://www.wodaski.com/wodaski/).
D'autres images CCD prises avec cette monture en combinaison avec d'autres télescopes sont aussi visibles dans la galerie CCD.