Pourquoi et comment
réaliser un pare-buée

par Olivier Meekers

Quoi de plus agréable que d'observer la voûte céleste lors d'une nuit calme ? Enfin débarrassé de cette désagréable sensation de froid accentuée par la brise. Cependant, l'absence de vent est souvent favorable à l'accumulation d'humidité dans l'air. Et si cette quantité de vapeur d'eau est suffisamment élevée, on assiste à la formation de rosée, voire de brouillard. L'air est alors saturé et il faut protéger les optiques…

Le phénomène de rosée

Toutefois, pour qu'il y ait saturation, il faut qu'une condition importante soit remplie : la température de l'air ambiant doit être égale ou inférieure à la température du point de rosée. Il faut savoir que l'air chaud peut contenir davantage d'humidité que l'air froid ; par conséquent, quand une masse d'air se refroidit, à pression et rapport de mélange constants, son humidité relative, exprimée en %, augmente. Si la température de cette masse d'air continue de descendre, lorsqu'elle atteint la température du point de rosée, son humidité relative est égale à 100%, l'air se condense et il y a formation d'infimes goutelettes pouvant donner naissance à la rosée ou au brouillard (voir figure ci-dessous).


Ainsi, plus une masse d'air est chargée en humidité, moins l'amplitude thermique entre la température ambiante et la température du point de rosée est importante. Inversement, plus une masse d'air est sèche, plus l'amplitude thermique entre la température ambiante et la température du point de rosée est importante.
Mais quel peut bien être le rapport entre cette explication scientifique et la formation de condensation, appelée communément buée, sur nos instruments astronomiques ?

Ce phénomène très ennuyeux de formation de buée apparaît sur les instruments équipés d'une lame frontale tels que les télescopes de types Schmidt-Cassegrain et Maksutov, ainsi que sur les lentilles des lunettes astronomiques.

Pourquoi sur les objectifs ?

Une fois la nuit tombée, le soleil cesse de chauffer le sol et l'air ambiant. Au cours de la nuit, le sol rayonne une grande partie de la chaleur emmagasinée durant la journée vers la haute atmosphère. Ce refroidissement de la surface du sol entraîne une chute de la température de la masse d'air voisine. Petit à petit, suite à cette diminution de la température ambiante, l'humidité relative augmente. Pour peu que l'air au contact du sol soit légèrement humide, dès que sa température atteint la température du point de rosée, il y a condensation et, dans notre cas, formation de rosée. Celle-ci, tombant verticalement, vient se déposer sur votre instrument et, par conséquent, sur la lame de fermeture ou l'objectif, vous privant ainsi de la suite du spectacle que le ciel nocturne vous réserve.

Pour remédier à ce désagrément, il existe deux solutions :

  • appliquer une résistance chauffante au niveau de la lame de fermeture de manière à garder sa température au-dessus du point de rosée. Voir par exemple :
    http://www2.globetrotter.net/astroccd/biblio/berdt800.htm

  • mettre un pare-buée à l'entrée du tube optique de manière à éviter le dépôt de rosée sur la lame. C'est celle-ci que j'ai choisie.

Réalisation d'un pare buée

La réalisation d'un pare-buée est relativement simple et peu onéreuse. Au regard des désagréments dont il vous préserve, quelques heures de bricolage valent vraiment la peine. De plus, outre la prévention de la formation de rosée sur la lame correctrice, votre pare-buée agira comme un baffle, c'est-à-dire qu'il protégera votre instrument contre l'entrée des lumières parasites.


Etape n°1 : les dimensions

La première chose à prendre en considération est la longueur qu'il faudra donner à votre pare-buée. La règle est simple : minimum 1,5 fois le diamètre de votre instrument. Ainsi, si vous possédez un instrument de 200 mm d'ouverture, votre pare-buée aura une longueur d'au moins : 200 x 1.5 = 300 mm soit 30 cm.
Ensuite, déterminez à l'aide d'un mètre ruban la circonférence, au millimètre près, de votre instrument au niveau de la lame de fermeture, c'est-à-dire là où sera appliqué le pare-buée. Disons que l'on a mesuré 70 cm de circonférence pour un 200 mm compte tenu du barillet de la lame correctrice. Ajoutez-y 5 mm de jeu, soit 705 mm. Soyez précis, la stabilité du pare-buée sur l'instrument en dépend.

Etape n°2 : matériau et réalisation

Après les mesures, vient la réalisation proprement dite du pare-buée. Le choix du matériau que vous allez utiliser est important. Il ne faut pas qu'il soit trop lourd et ainsi compromette la stabilité de la monture. Toutefois, il ne doit pas être trop mince et présenter un manque de rigidité.
Certains utilisent un seau en plastique dont ils ont ôté le fond, d'autres, un cache pot,… mais l'esthétique en prend un sacré coup ! Une réalisation en carton est à proscrire. L'humidité aura vite raison de votre pare-buée de fortune qui s'effondrera immanquablement sur la lame frontale avec de fâcheuses conséquences ! Une tôle d'acier semble faire l'affaire, mais elle pourrait s'avérer coupante lors de manipulations dans l'obscurité. Un morceau de tuyau en PVC semble être une bonne alternative mais il sera difficilement disponible dans le diamètre précis dont vous aurez besoin. Certains proposent des réalisations en mousse, en bois,…
La solution que j'ai adoptée est de faire réaliser par un tôlier un cylindre en aluminium de 1 mm ou 1,5 mm d'épaisseur aux dimensions voulues. Dans le cas d'un 200 mm, le pare-buée pèsera alors entre 600 gr et 850 gr selon l'épaisseur choisie, ce qui est acceptable pour une monture conçue pour supporter un 200 mm.

Etape n°3 : la finition

Une fois votre cylindre en aluminium réalisé, appliquer dessus une couche dite " primaire " afin de permettre à la peinture d'adhérer à l'aluminium.
La couche finale, de la couleur de votre choix, sera appliquée de préférence à la bombe afin de limiter les coulées. Ensuite, disposez sur un des bords intérieurs de votre cylindre la partie douce d'un ruban de " scratch " autocollant noir tout le long de la circonférence. Ceci permettra à votre pare-buée de se prêter parfaitement autour de votre tube optique. Tapissez ensuite l'intérieur du pare-buée de velours autocollant noir afin d'éviter toute réflexion parasite.
Maintenant, votre pare-buée est opérationnel et votre instrument est prêt à affronter la rosée ! Notons cependant que si la rosée tombe verticalement, et que le tube optique est orienté dans une position proche de la verticale, le pare-buée perd de son efficacité !

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