L'origine météoritique de l'extinction de masse du Crétacé :
les preuves s'accumulent

 

Source : " Scientific " juillet 2000 p100 à 110 ( Robert Roccha et Eric Robin )

Résultat concluant après deux décennies d'enquêtes pluridisciplinaires : on attribue avec de plus en plus de certitudes la disparition massive d'espèces à la fin du Crétacé, dont les dinosaures, à la collision d'un gros objet cosmique.

Les extinctions massives

Cinq crises majeures se sont succédé au cours des 560 millions d'années du Phanérozoïque ; à - 435 millions à la fin de l'Ordovicien, à - 365 millions au Dévonien, la plus importante il y a 245 millions d'années entre l'ère primaire et secondaire ( Permien), et enfin celle qui s'est produite entre le Crétacé et le Tertiaire ( limite C-T ) à - 65 millions d'années.
Cette dernière, qui affecta tant le milieu marin que terrestre occasionna la disparition de 80% des espèces existantes ; plancton, reptiles marins, ammonites, bélemnites et, bien sûr, les Dinosaures. La flore porte aussi la marque de cette catastrophe. En Amérique du Nord, elle est associée à la disparition momentanée des angiospermes et à la prolifération des fougères. Ce pourrait être la conséquence d'un gigantesque incendie dont on retrouve les traces sous forme de suies. Elle se caractérise aussi par une brièveté exceptionnelle.

 

L'analyse des coupes sédimentaires

Partout, la transition C-T est très brutale : plus de la moitié des espèces de micro-organismes disparaissent à la base d'un lit d'épaisseur centimétrique. Dans les sédiments observés, géochimistes, minéralogistes et physiciens ont identifié les traces d'une catastrophe cosmique qui a mis en présence notre planète avec un astéroïde de +/_ 10 kilomètres de diamètre.

Jusqu'ici, on avait identifié quelques marqueurs associés à la matière résiduelle de l'astéroïde ou aux matériaux issus du cratère d'impact tels que desminéraux déformés et roche fondue (= Tectites), abondance anormale d'iridium, présence de suies, traces de raz de marée, anomalies isotopiques des carbonates…. Voyons ce qu'il en est à présent :

   L'iridium
On le trouve en excès dans le plus haut niveau du Crétacé terminal d'une dizaine de sites marins et continentaux dispersés sur toute la surface terrestre. L'abondance normale des roches de l'écorce est égale à moins de 0,05ng (nanogramme) par gramme, or sur les sites comme Gubbio (Italie) ou Stevens Klint (Danemark), l'anomalie d'abondance va jusqu'à 10 ng/g.
On a même découvert de l'iridium en abondance entre deux coulées basaltiques du Deccan, ce qui prouve que " l'événement " est intercalé entre deux épisodes d'activité volcanique.

   L'osmium
L
a composition isotopique de l'osmium, un platinoïde associé à l'iridium dans les sédiments C-T, est comparable aussi à celle observée dans les météorites.

   La magnétite nickélifère
C
e minéral, qui se présente sous la forme de petits cristaux microscopiques, a été découvert dès 1984 dans les couches C-T. Il est inconnu dans l'écorce terrestre et pour cause, il se forme pendant la fusion d'une roche riche en nickel en présence d'oxygène. Au sein des météorites, on l'a mis en évidence dans les parties fondues et oxydées lors de la phase de frottement sur les couches atmosphériques, c'est à dire dans la croûte de fusion et dans les gouttelettes dispersées par la friction de l'air.
Encore une fois, la présence de ce minéral, associé à l'iridium, dans les quelques millimètres de la couche d'argile C-T signe un phénomène instantané de métamorphisme de matière extraterrestre.

   Les quartz choqués
La formation de quartz choqué est maintenant bien connue et s'explique par les effets mécaniques d'un impact à très grande vitesse sur une roche contenant des cristaux de quartz. Contrairement à la matière du projectile (iridium, magnétite nickélifère) qui est distribuée uniformément sur toute la planète, les quartz choqués se retrouvent essentiellement sur le continent nord-américain, autour du Golfe du Mexique.
Dans ces quartz situés sous la couche d'iridium, on a aussi découvert des cristaux de zircon et de minuscules diamants, deux minéraux qui résultent des énormes pressions engendrées lors de l'impact.

   Les tectites
D
irectement situé sous les quartz choqués, les sédiments marins contiennent des tectites (silicates fondues d'aspect vitreux) altérées, produites par la fusion à haute pression des roches cibles lors de l'impact.
Leur position stratigraphique (en dessous des éléments cités plus haut ) s'explique par la faible vitesse d'éjection de ces sphérules, qui constituent un " éjecta " de proximité.

   Le raz de marée
A
utour du Golfe du Mexique, les dépôts comportent, intercalés entre la couche de tectites et le niveau à iridium, un banc de grès, signature de l'énorme raz de marée ayant ravagé les côtes du Mexique.

   Le cratère
L
'âge des roches fondues, prélevées au cours de sondages pétroliers bien avant l'identification du cratère, vaut 64,98 millions d'années et correspond exactement à celui des tectites dispersées sur des centaines de kilomètres aux alentours. Le cratère forme une énorme structure ( entre 200 et 300 km de diamètre ) enfouie sous plus de 1000 mètres de sédiments et seulement identifiable par des anomalies gravitationnelles et magnétiques ( compression à l'impact ).
Ces observations ont permis d'estimer la nature et les dimensions du projectile et de déterminer avec précision l'endroit où il a percuté la Terre (Golfe du Mexique).

 

Objections

   Le volcanisme
L
es objections opposées il y a maintenant une quinzaine d'années ont été levées : l'ensemble des études réalisées tant sur le volcanisme, que sur les sédiments de la limite C-T ont démontré que les anomalies citées plus haut sont bien la conséquence d'une collision cosmique.
Il apparaît cependant que l'extinction brève et massive s'inscrit aussi dans un contexte de bouleversement des écosystèmes déjà en cours et portant sur plus d'un million d'années : la collision s'est, en effet, produite pendant la période d'intenses épanchements volcaniques, qui ont généré les vastes plateaux du Deccan en Inde. Certains ont cru que ce volcanisme aurait pu produire l'excès d'iridium, mais la teneur en iridium des coulées basaltiques du Deccan est très faible et correspond aux valeurs moyennes de l'écorce.

   La régression marine
R
esponsable potentiel des extinctions biologiques, les régressions marines sont à prendre en considération : le niveau des mers est descendu d'une centaine de mètres à la fin du Crétacé.
Cependant, ce phénomène s'étale sur des millions d'années et ne présente donc pas les conséquences quasi instantanées d'un impact météoritique. S'il est difficile de mettre en évidence ce caractère de brièveté pour les gros animaux, il en va tout autrement des micro-organismes marins. Dans les sédiments marins, l'enregistrement de la collision cosmique coïncide exactement, au millimètre près, avec la disparition du plancton.
Quant aux ammonites, aucun spécimen n'est présent au-dessus de la limite C-T, dans le Tertiaire, alors que 22 espèces existent encore ans les derniers mètres du Crétacé.
Pour les Dinosaures, les études récentes ne semblent plus confirmer le déclin important que certains paléontologues avancent pour justifier leur disparition totale au Tertiaire. Des traces de pas fossiles ont été mises à jour dans une couche située 30 cm sous l'iridium, soit environ 6000 ans. En fait, la faune de dinosaures s'était bien modifiée au Crétacé supérieur, mais sans perte de diversité.

 

Conclusions
D
es cinq crises biologiques majeures, une seule - celle de la limite C-T - affiche un rapport net avec un événement cosmique. Des questions fondamentales restent cependant en suspens : nous ne comprenons toujours pas pourquoi les dinosaures et les ammonites ont disparu alors que les oiseaux et les nautiles, leurs cousins respectifs, ont parfaitement supporté les conséquences de la collision. Les modèles d'impact aussi massifs et leurs conséquences sur l'environnement restent incertains car aucun autre phénomène d'une ampleur comparable n'est connu. Par conséquent, Il est probable que la limite C-T n'a pas encore livré tous ses secrets. Quels sont les mécanismes mis en jeu et pourquoi ont-ils été si sélectifs ?….Un mystère qui reste à éclaircir.

Retour à la page Astronomie